• Hommages

     

     

    Chapelle Saint Antoine

     

     

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    Lors de nos vacances estivales annuelles à Bessans, au mois de juillet, entre 1995 et 1999, nous voyions régulièrement un prêtre prénommé Jean, un homme qui habitait en région parisienne, mais qui, comme nous, se ressourçait dans la splendeur Bessannaise l'été. Il célébrait ou concélébrait les messes, et gravissait la Pointe de Tierce dans le cadre du pèlerinage annuel, le 16 juillet. Il ressentait un avant-goût du Paradis du sommet de Tierce... Grand, mince, il portait la barbe, et ce stéréotype du montagnard me marquait par son calme et par la Paix qu'il dégageait.

    Au début des années 2000, nous venions à Bessans au mois d'août, jusqu'à ce mois de juillet 2005 où nous revîmes Jean. Je me souviens de ce 16 juillet... Une averse au début de l'ascension de la Pointe de Tierce nous avaient contraints à enfiler les imperméables et à nous réfugier quelques instants sous l'Oratoire Sainte Anne, mon père, Jean et moi. Jean, habillé de sa veste de pluie bleue, nous racontait quelques souvenirs marquants de l'histoire des pèlerinages de Tierce ! Jean, toujours si calme, si posé... La pluie cessa, et nous nous remîmes en marche. Nous laissâmes Jean passer en premier, lui ce vieux briscard de la montagne; je devais le suivre. Il faisait des pas lents réguliers, et sa vitesse demeurait constante quelle que fut la raideur de la pente. Je le trouvais d'abord pénible, car le jeune de quinze ans que j'étais, rempli d'énergie, ne savait pas toujours doser son effort et démarrait souvent pied au plancher. Et Jean ne semblait pas avancer !!! Quelques instants plus tard, Jean ne montrait aucun signe de fatigue ou d’essoufflement, et c'était plutôt agréable de suivre son rythme régulier. L'ascension de poursuivit. Un moment, mon père me donna ce conseil : "ne le lâche pas !" Jean avait toujours son régulateur de vitesse enclenché, rien ne pouvait le faire ralentir, et c'était moi qui ne parvenais plus vraiment à le suivre...

    Depuis ce jour, nous avons créé l'expression "marcher en Père Jean", c'est-à-dire faire des pas lents réguliers, conserver son rythme et sa vitesse, histoire de ne pas fatiguer prématurément le cœur et de ne pas tirer trop brutalement sur les muscles des jambes. D'autre part, cet épisode est une formidable leçon de vie. La Sagesse a répondu aux jugements hâtifs : "il est pénible de ne pas avancer !" ; la Sagesse a répondu à la fougue irréfléchie et sans avenir de la jeunesse, elle a défendu l'Expérience et le Savoir...

     

    L'année suivante, nous apprenons avec horreur que Jean a été frappé par un cancer des os qui s'est ensuite généralisé, et que ses jours sont comptés. Nous prenons connaissance de son grand Départ vers notre Dieu quelques mois plus tard.

     

    Jean, mon ami, mon frère, tu es toujours avec moi lors de mes sorties en Haute-Maurienne, et je me suis forcé à adopter ton comportement sage et régulier lors des ascensions plus ou moins difficiles. Merci pour cet enseignement... Tu resteras un modèle de Paix et de Grandeur d'Âme. Je pense à toi dans les moments de colère, et l'homme paisible que tu étais adoucit mes ardeurs. Oui, Jean, un jour viendra où nous nous reverrons...

     

    Croix de Tierce

     

     

     


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